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Le rire comme ambition

Publié le 28 mai 2021

On s’amusait de ses mini-sketchs improvisés dans sa petite chambre d’étudiant à Dijon. Désormais, il fait partie des figures de l’humour sur scène et sur les réseaux sociaux. Si l’on s’intéresse à Amine Radi pour son succès au Maroc et dans l’hexagone, l’état d’esprit qui l’a amené à gagner le coeur des jeunes, fouler les grandes scènes parisiennes et à compter deux millions d’abonnés sur Facebook reste méconnu. Entretien avec un ambitieux qui vient de loin.

Du Jamel Comedy Club au Palais des Glaces pour son propre spectacle, Amine Radi en a fait du chemin. Mais ce qui intéresse la rédaction ne sont pas les accomplissements qui ont fait du jeune homme une étoile montante du rire mais plutôt le chemin qu’il a parcouru avec passion quand il se voyait déjà en haut de l’affiche.

QU’EST-CE QUI T’A AMENÉ À OSER FAIRE TA PROPRE VIDÉO ET LA PUBLIER ?

La solitude. Rires. Ce n’était même pas prévu ! J’ai fait la vidéo parce que je faisais une prépa DCG à l’époque [ndlr: comptabilité], on avait un examen tous les lundis et c’était vraiment dur parce qu’on travaillait beaucoup. J’avais besoin de me défouler.

QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE LE AMINE QUI ÉTAIT DANS SA CHAMBRE D’ÉTUDIANT DE L’ÉPOQUE ET CELUI QUI A JOUÉ DEVANT DES MILLIERS DE SPECTATEURS ?

Je n’aurai jamais cru que j’allais devenir humoriste et en faire mon métier. Il y’a des choses qui changent avec le temps, l’expérience avec la maturité mais surtout quand tu rentres dans le milieu artistique, ce n’est pas facile. Tu deviens moins naïf et tu fais plus attention à ce qui se cache derrière les apparences. Je fais moins confiance aux gens. J’ai appris qu’il n’y a que toi qui peut t’ouvrir des portes et des opportunités. Personne ne peut le faire à ta place. C’est ton travail qui te fait réussir et rien d’autre.

QUEL EST POUR TOI L’ÉLÉMENT-CLÉ QUI A ÉTÉ LE MOTEUR DE TON SUCCÈS ?

Je suis un enfant de Casablanca, j’ai grandi au Maroc et j’ai vécu à Paris. Peu arrivent à élargir un public à plusieurs cultures excepté Gad Elmaleh. Le fait d’avoir eu la chance de jouer devant 11 000 personnes en Algérie, 4000 en Tunisie, en France, au Canada, en Belgique, au Portugal et en Roumanie c’est vraiment avoir un public de toutes nationalités dans mon spectacle.

C’est jouer au-delà du local. Nous, les Marocains, on est adaptables à tous les environnements. On connait les références de tous les pays mais personne ne connait rien sur nous. L’avantage qu’on a est d’être ouvert sur le monde.

QUELLE A ÉTÉ TA RENCONTRE LA PLUS INSPIRANTE ?

Sans citer de nom, j’ai rencontré un artiste que j’étais impatient de voir. Quand je l’ai vu, j’étais tellement déçu que ça m’a réveillé encore plus et m’a poussé à être meilleur.

Quand on est jeune, il y’a des personnes qu’on idolâtre. Quand j’ai découvert la différence entre la personne qu’il laissait transparaître à l’écran et celle qu’il était en réalité, j’ai réalisé que c’était un milieu pas facile. Ça m’a tellement réveillé que je me suis dit qu’il ne faut compter sur personne et travailler dur pour réussir. La déception a donc été un moteur d’inspiration.

ETRE HUMORISTE ÉTAIT-IL UN RÊVE POUR TOI OU UN CONCOURS DE CIRCONSTANCES ?

Tu m’aurais dit 10 ans en arrière que j’allais être humoriste je t’aurais dit : « Jamais de la vie ! ». Je m’attendais à devenir expert-comptable, sans grande conviction. C’était vraiment un concours de circonstances et la vie qui m’a amené à faire de l’humour et je me suis laissé porter.

QU’EST-CE QUI T’AIDE À TENIR BON QUAND TU CONNAIS DES DIFFICULTÉS ?

Ma foi. Je suis croyant et j’ai l’intime conviction que tout est sous contrôle. On a juste à lâcher prise. Si tu as Dieu avec toi, peu importe ta religion, tout est écrit. Je crois aussi que lorsqu’il y’a une difficulté, c’est toujours un mal pour un bien.

Si tu n’as pas accès à quelque chose, c’est que ce n’est pas bien pour toi. Il ne faut pas trop être déçu. On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve. Le sport m’aide aussi beaucoup à aller mieux, surtout le foot.

QUE T’APPORTE LA SCÈNE ?

J’ai trop d’énergie et je démarre au quart de tour ! Quand j’ai commencé à faire des vidéos et de l’humour, ça m’a vraiment calmé. On a tous besoin d’une thérapie, un humoriste monte sur scène pour parler aux gens et quand il répète, il se parle à lui-même.

QUEL A ÉTÉ LE PLUS GRAND OBSTACLE DE TA CARRIÈRE ?

J’ai été choisi pour un film français, c’était acté, tout avait été confirmé. A la dernière minute, on m’a appelé pour me dire qu’on avait choisi quelqu’un d’autre pour des raisons qu’on m’a expliquées.

Au final, ce film n’a pas réussi. Je me suis senti rejeté mais quand j’ai vu que ce film n’a pas fonctionné, cela a évité que je donne une mauvaise première impression de moi au cinéma. Depuis ce moment, je ne saute plus sur les occasions.

Des fois on refuse des contrats pour des montants colossaux parce que je veux monter une carrière, pas un compte bancaire. Lors de ma première date de spectacle, mon co-auteur était décédé. Je devais jouer à 20 heures, il est décédé à 16 heures, j’étais au théâtre en pleine répétition. J’ai dû faire cette première date. C’était dur, les gens avaient senti que j’étais chamboulé. J’ai dû garder la tête froide et faire comme si de rien n’était avant de lui faire un hommage à la fin.
On avait commencé quelque chose ensemble, qui s’est arrêté.

QUEL A ÉTÉ LE PLUS BEAU MOMENT DE TA CARRIÈRE ?

Quand j’ai amené ma grand-mère sur scène à Paris ! Elle m’avait déjà accueilli à Dijon. Je l’ai vu monter, être fière de moi. Je voyais qu’elle était timide, elle m’a ramené un poulet avant le spectacle et m’a demandé de le manger même si je n’avais pas faim. Rires

Les plus beaux moments c’est aussi quand je joue dans un pays et quand je vois les gens qui m’accueillent, c’est super important. Quand j’ai joué en Algérie, c’était incroyable, c’était 11 000 personnes dans un terrain de foot.

J’ai même tiré un sketch de ce souvenir. La première date de ma vie en Tunisie où je suis monté devant 4000 personnes, c’est le moment où je me suis dit: « Amine, c’est ça ce que tu dois faire ». On a quand même un métier incroyable, des gens payent pour venir nous voir et quand on finit travail, ils nous disent merci et se prennent en photo avec nous !

QUE CONSEILLERAIS TU À UN JEUNE QUI SOUHAITE FAIRE DU STAND-UP ?

Il ne faut jamais être pressé, c’est le premier conseil que je donnerai. Que ça prenne une semaine, deux semaine, un mois, quarante ans, on s’en fiche, l’essentiel est d’arriver à un objectif.

Je lui conseillerais aussi de ne jamais se comparer à qui que ce soit. Si on rentre dans la comparaison, tu resteras toujours celui qui veut « faire comme untel ».

Si tu fais comme toi-même, tu réussiras. Il faut aussi toujours aimer le bien pour les autres, parce que seul l’amour finit par réussir. Si tu te remplis de haine, ton énergie sera concentrée sur cette envie vis-à-vis des autres et tu échoueras.

QUELS SONT TES SECRETS POUR RESTER POSITIF AU QUOTIDIEN ?

Je m’aime, je me kiffe ! Rires Pour continuer à m’adorer et me nourrir, je dois m’entourer de positif y compris pour les personnes autour de moi.

QUELLES ONT ÉTÉ LES DÉSILLUSIONS QUE TU AS VÉCUES SUITE À TON SUCCÈS ?

Le milieu est super compliqué. Y’avait des humoristes que je voyais à la télévision que je pensais être très amis. Quand je les ai vus ensemble sur scène, derrière les coulisses, c’est des concurrents féroces. Il y’a beaucoup de pression, surtout avec ce qui se passe aujourd’hui.

LE RIRE EST BON POUR SOULAGER LA DOULEUR PHYSIQUE, ÉMOTIONNELLE ET LE STRESS. EST-CE QUE L’HUMOUR EST AUSSI TON REFUGE QUAND TOUT VA MAL ?

Absolument. Quelquefois, je me retrouve submergé par les problèmes, et le seul moyen de m’échapper, c’est un fou rire avec des amis. Ça me fait tellement de bien. Je ne suis pas le seul, je le vois même dans les messages que je reçois sur les réseaux sociaux. Je n’oublierai celui d’une fille qui a perdu sa mère et qui m’a écrit : « Amine, après la mort de ma maman, t’es le seul qui a réussi à me rendre le sourire ».

Quel est ton secret anti-stress ?

Je suis un grand stressé de la vie. Avant de rentrer sur scène, mon secret est de relativiser et de me dire : « Ca y’est, j’ai déjà vécu le pire. J’ai joué devant une trentaine de personnes sans même qu’ils ne rigolent ! »

Quelle est ta définition du bonheur ?

VOIR LA MADRE HEUREUSE.

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