PEUX-ON SOIGNER LES ENFANTS AVEC LES PLANTES ?

De nombreux praticiens hésitent à conseiller la phytothérapie et l’aromathérapie aux enfants. Il est vrai que le sujet est épineux. D’abord, la peau de l’enfant est très différente de celle d’un adulte. Les huiles essentielles, par exemple, peuvent présenter un danger chez le nourrisson dont la structure de la peau est immature et le métabolisme plus lent. Pourtant, bien formulées, les plantes donnent des résultats remarquables en préventif comme en curatif… à condition de respecter scrupuleusement les précautions d’emploi.
La phytothérapie, chez l’enfant, nécessite une approche di!érente de chez l’adulte ; en e!et, des précautions particulières sont liées à son métabolisme. Quelles questions doit-on se poser ? Il en est quatre sur lesquelles on ne peut faire impasse. Quelle voie d’administration choisir ? Quelle forme galénique proposer ? Quelle posologie établir ? Quelles contre-indications respecter ? Des données établies par l’Herbal Medicinal Products Comittee (HMPC) sont partiellement disponibles, mais ce comité déconseille de principe la plupart des plantes par manque d’études scientifiques. Ce manque de données pharmacologiques chez l’enfant nous oblige souvent à nous fier à l’usage traditionnel, sinon au bon sens.
Chez le nourrisson, le PH gastrique est plus élevé et ne se normalise qu’à l’âge de 3 ans environ ; la vidange gastrique est ralentie et l’immaturité enzymatique ne permet pas d’éliminer correctement les toxines. En d’autres termes, la plupart des médicaments sont éliminés plus lentement avec donc un risque potentiel de toxicité.
De plus, le microbiote intestinal absent à la naissance se met en place dès la première semaine et sera di!érent selon le régime alimentaire : en cas d’allaitement, les bifidobactéries sont plus nombreuses alors qu’avec le lait maternisé on trouvera surtout des bacteroïdes et des Clostridium pouvant modifier l’absorption et l’élimination. C’est pourquoi il est conseillé d’enrichir le microbiote de la mère grâce à une supplémentation en probiotiques dans les dernières semaines de la grossesse, au profit du bébé lors de la naissance par voie basse. Retenons qu’en matière de phytothérapie, il vaut mieux éviter la voie orale avant 3 ans, sauf pour certaines plantes et formes galéniques bien documentées. La prise de tisane, d’infusion ou de décoction, reste alors à privilégier.
Les teintures mères, les SIPF (suspensions intégrales de plantes fraîches) ou même les macérats glycérinés de bourgeons ou de jeunes pousses sont à envisager avec prudence à cause de leur teneur en éthanol. Néanmoins, on trouve aujourd’hui des macérats glycérinés sans alcool. Les gélules et les comprimés à avaler restent contreindiqués avant 6 ans du fait du risque de fausse route. Sur prescription médicale, vous pouvez cependant les ouvrir et mélanger la poudre à un yaourt ou à une compote. Ainsi, un enfant de 6 ans qui dort difficilement et qui fait des cauchemars pourra, par exemple, prendre l’intérieur d’une gélule de poudre d’escholtzia (Eschscholtzia californica) au coucher dans un yaourt. Quant à la posologie, retenez qu’on peut appliquer, en moyenne, une règle de trois par rapport à la dose adulte préconisée pour un poids de 60 kilogrammes, en tenant compte bien sûr des contre-indications spécifiques à l’enfant.
1- On peut proposer un mélange d’EPS (extraits phyto standardisés sans alcool) pour stimuler l’immunité en automne, par exemple EPS échinacée et EPS cyprès en quantités égales pour 1 flacon de 125 ml. La posologie de référence (de préférence à partir de 6 ans) est de 1 ml pour 10 kg de poids corporel, soit pour un enfant de 20 kg »: 2 ml le matin dans un verre d’eau, ou mieux de tisane, 5 jours sur 7 pendant 2 mois.
2- En cas de bronchite bénigne (toux sèche ou grasse) on pourrait très bien proposer cette tisane pour fluidifier les sécrétions : • Fleurs de lavande (Lavandula vera): 20 g • Fleurs de sureau (Sambucus nigra) : 20 g • Fleurs de mauve (Malva sylvestris) : 25 g • Fleurs de violette (Viola odorata) : 30 g Infusée à 1 % (10 g pour 1 l d’eau), soit 1 cuillérée à café du mélange pour 250 ml d’eau à ébullition pendant 10 mn ; vous la filtrerez avant de la donner à boire sans la réchau!er à votre enfant à raison d’une prise toutes les 4 heures. Vous pouvez la conserver dans un thermos ou au réfrigérateur, et même l’édulcorer (à partir de 2 ans) avec du miel d’acacia.
3- Autre tisane intéressante en cas de flatulences ou d’excès de gaz intestinaux, y compris chez le nourrisson qui a tendance à avaler autant d’air que de lait : le décocté de badiane, aussi appelée anis étoilé. Faites bouillir un fruit (1 étoile) dans 15 ml d’eau pendant 10 mn, puis filtrez et donnez à boire entre deux tétées ou biberons pour ne pas diminuer sa ration alimentaire. À partir de 3 ans, on peut mettre deux étoiles pour 15 ml d’eau.
4- En application locale, certaines plantes peuvent être utilisées sans danger. Citons la farine d’avoine à diluer dans un bain pour apaiser les irritations de la peau. Ce remède traditionnel est efficace même pour les tout-petits, en particulier en cas d’eczéma.
5- La gemmothérapie nous donne aussi des résultats très fiables, notamment en prévention. Autre avantage – je vous le disais plus tôt –, de nombreux laboratoires proposent désormais des macérats mères sans alcool, préférables pour les enfants. La posologie moyenne est de 1 à 2 gouttes par 10 kg de poids corporel et par jour. Ainsi, on pourra essayer chez un enfant de 30 kg très fatigable avec un terrain allergique ayant tendance aux infections : • Ribes nigrum (Cassis) Bg MG, 3 gouttes le matin • Rosa canina (églantier) JP MG, 3 gouttes à 16 heures Tous deux dilués dans un peu d’eau ou une tisane, mais plutôt tiède pour préserver tous les actifs, 20 jours par mois pendant 2 mois, entre octobre et décembre, par exemple.
Et l’aromathérapie ?
C’est certainement la partie de la phytothérapie la plus active avec des restrictions spécifiques à l’enfant au regard de convulsions observées chez les nourrissons. En e!et, en 2011, il a été établi que les huiles essentielles contenant des dérivés terpéniques devaient être réservées aux préparations pharmaceutiques destinées aux enfants de plus de 30 mois. La plupart des huiles essentielles étant en vente libre, avec des qualités très variables et un danger à ne pas sous-estimer, il est préférable d’inciter les professionnels à se former afin de les prescrire sans danger. Voici quelques huiles essentielles parmi les plus communes (on se fiera toujours au nom latin !) présentant des contreindications ou à utiliser avec beaucoup de précaution :
• HE à cétones : celles du monopole pharmaceutique, mais aussi Lavandula stoechas, Mentha pulegium, Cedrus atlantica, Eucalyptus dives… ;
• HE à menthol comme Mentha piperita et Mentha arvensis, contre-indiquées avant 6-7 ans ;
• HE à phénols ou aldéhydes aromatiques : Satureja montana, Thymus vulgaris CT thymol, Thymus serpyllum, Thymus satureioides, Origanum compactum, Origanum vulgare, Origanum heracleoticum, Coridithymus capitatus, Trachyspermum ammi, Eugenia caryophyllata, Cinnamomum zeylanicum, Cinnamomum cassia ou loureii ;
• HE à 1,8 cinéole : Eucalyptus globulus, Eucalyptus radiata, Eucalyptus smithii… et, dans une moindre mesure, Melaleuca quinquenervia
3 huiles essentielles à retenir
Au risque de me répéter (avec les enfants, on n’est jamais trop prudents !), certaines huiles essentielles peuvent être administrées à partir de 3 ans sur le conseil d’un prescripteur formé, en respectant bien les posologies. Et n’oubliez pas qu’avant toute application locale, il faut toujours réaliser un test de tolérance en déposant une goutte au pli du coude. Si vous ne constatez aucune réaction dans la demi-heure, c’est bon.
1. L’HE de citronnier – Citrus limonum (zeste – CT limonum)
Originaire d’Inde, mais cultivé en Europe et en Californie, le citron est un fruit incontournable. L’essence est obtenue par expression à froid du zeste. Il faut environ 3000 citrons pour obtenir un kilo d’essence. Ses propriétés sont très nombreuses avec des résultats dans plusieurs a!ections. On l’utilise en di!usion atmosphérique en période de maladies contagieuses. La di!usion se fait toujours à froid, sans la présence des enfants, dans une limite de 15mn et après avoir aéré la chambre. Faites inhaler l’huile essentielle en cas de digestion di#cile, de nausées (insu#sance hépatique), ou encore, utilisez-la localement en cas d’acné, le soir point par point sur les boutons ou les pustules ( jamais avant de prendre le soleil, car il y a un risque de photosensibilisation) après nettoyage de la peau. Pour stimuler l’immunité à partir de 3 ans et ce jusqu’à l’adolescence, on conseille, avant l’hiver, 1 goutte par jour diluée dans du miel liquide, comme le miel d’acacia, du lundi au vendredi pendant 2 mois. À partir de 7 ans, on peut aussi donner 1 à 2 gouttes sur un comprimé neutre avant les repas pour activer les fonctions digestives et hépato-pancréatiques.
2. L’HE de ravintsara – Cinnamomum camphora CT cinéole (feuille – riche en sabinène, 1,8 cinéole, alpha terpinéol)
Originaire de Madagascar, la plante pousse à l’état sauvage dans les forêts tropicales humides où elle peut atteindre 15 mètres de haut; ses feuilles sont ovales, alternes, persistantes et brillantes. Elle est surtout antivirale, mais aussi anticatarrhale et expectorante tout en étant relaxante et énergisante. Elle est conseillée dans toutes les a!ections virales : grippe, mononucléose, herpes, hépatites virales, mais aussi déficience immunitaire, rhumes, bronchites, angines et… fatigue profonde nerveuse et physique. Pour les plus jeunes, il est recommandé de la prendre en massage du pied diluée dans du LOC (liniment oléo-calcaire) ou de l’huile d’amande douce. À partir de 6 ans, le ravintsara peut être pris en massage (sur le dos et le thorax) ou par voie orale (même si le plus souvent le massage et l’inhalation8 su#sent) à raison d’une 1 goutte 3 fois par jour diluée dans du miel liquide ou de l’huile d’olive pendant 8 jours.
3. L’HE de lavande vraie – Lavandula o$cinalis, vera ou angustifolia (sommités fleuries – riche en linalol, acétate de linalyle)
La lavande vraie, aussi appelée lavande o#cinale ou fine, est un des fleurons de l’aromathérapie. Sa parfaite innocuité, son excellente tolérance alliée à son e#cacité font qu’elle a une place privilégiée dans la pharmacie aromatique. Très puissante quand il s’agit de lutter contre les spasmes, elle est aussi calmante, sédative, cicatrisante (elle aide la peau à se régénérer), antalgique et antiseptique. Elle peut être utilisée pour écarter les moustiques et les poux (quelques gouttes dans le shampoing auraient un e!et répulsif ). Nul besoin d’en abuser… Certaines mamans, en période de poux, ont la fâcheuse habitude d’asperger la tête de leurs enfants d’huile essentielle de lavande vraie, mais, à forte dose ou à doses répétées, elle peut paradoxalement provoquer un spasme du larynx. Pour calmer les piqûres d’insectes, l’huile essentielle de lavande aspic (Lavandula spica) est plus e#cace encore, mais, comme elle contient des cétones, elle doit être utilisée avec précaution et, idéalement, pas avant 6 ans. Elle est aussi indiquée dans la prise en charge des crampes et des contractures musculaires, ainsi que pour combattre le stress, l’anxiété, l’agitation des enfants ou tout simplement pour préparer au sommeil, en massage, diluée à 10 % dans de l’huile d’amande douce ou sur les poignets ou la taie d’oreiller. Sur la peau, elle active la cicatrisation des brûlures diluée à 10 % dans une huile végétale de millepertuis. On l’utilise alors le soir pour éviter l’e!et photosensibilisant du millepertuis. On pourrait citer une dernière huile essentielle, peu toxique, car très riche en linalol ( jusqu’à 95 %) : l’huile essentielle de bois de rose (Aniba roseadora), qui nous vient surtout de Guyane. Je l’aime beaucoup, mais elle est réglementée, car produite en petite quantité, et donc plus di#cile à trouver et plus onéreuse.
L’hydrolat : le remède le plus adapté ?
Il faut en moyenne au minimum 1 kg de plantes pour obtenir 1 l d’hydrolat. Peu toxiques, les hydrolats sont parfaitement adaptés aux enfants, même les plus jeunes. Ce sont des produits aqueux obtenus après distillation d’une plante à la vapeur d’eau. L’hydrolat contient ainsi des actifs de la plante solubles dans l’eau (ou donc dans une tisane, ce qui rend son emploi d’autant plus facile) et une petite quantité d’huile essentielle en suspension. Cette double qualité, ajoutée à un goût acceptable et une très bonne tolérance pour la peau et les muqueuses, en fait un remède des plus recommandables ! Un bon exemple des bienfaits de l’hydrolathérapie.
En cas de prurit ou de démangeaisons, on proposera cette lotion en application externe.
Mélangez dans un flacon pulvérisateur :
• 60 ml d’hydrolat (HA) de Matricaria recutita
• 20 ml d’hydrolat de Lavandula vera
• 20 ml d’hydrolat de Rosa damascen
Appliquez votre mélange sur les lésions plusieurs fois par jour suivant les besoins jusqu’à amélioration.
Mes trois hydrolats préférés pour les enfants
Ce n’est pas un hasard si on les retrouve en synergie dans la lotion anti-démangeaisons que je viens de vous proposer. Il s’agit de l’hydrolat de lavande (HA Lavandula vera – sommités fleuries – Lamiaceae), de l’hydrolat de rose de Damas (HA Rosa damascena) et de l’hydrolat de matricaire ou camomille allemande (HA Matricaria recutita).
On a déjà évoqué la lavande dans le chapitre sur les huiles essentielles. L’hydrolat va permettre de nombreuses applications, en particulier chez l’enfant, mais aussi chez la femme enceinte ou allaitante. Cette fois, pas de risque de surdosage. Il est tout à fait possible de vaporiser la tête des enfants avant de les conduire à l’école à la rentrée des classes, en prévention, pour éloigner les poux, sans oublier de laver régulièrement le linge et les draps (pourquoi pas avec quelques gouttes d’huile essentielle de lavande vraie dans le compartiment de rinçage de la machine à laver). Vous pouvez aussi vaporiser l’hydrolat sur l’oreiller avant le coucher pour améliorer le sommeil.
Dilué dans de l’eau tiède à parts égales, il vous permettra de nettoyer les fesses des petits tout en douceur. Il est également possible de l’ajouter dans des préparations culinaires : gâteaux, salades de fruits, crèmes, glaces… La rose de Damas provient probablement d’hybridations anciennes. Arbuste sarmenteux ou grimpant, ses tiges portent de nombreux aiguillons et les fleurs terminales sont formées de nombreux pétales larges et d’étamines jaunes. Elle est surtout composée d’alcools terpéniques peu recommandés aux jeunes enfants ; c’est pourquoi l’hydrolat est une alternative remarquable.
Anti-infectieux, c’est aussi un rééquilibrant psychoémotionnel qui permet de mieux supporter les douleurs et les prurits en massage sur le plexus solaire ou sur les poignets… La matricaire, enfin, est une plante annuelle du bord des chemins ; ses fleurs sont disposées en capitules pédonculés. L’huile essentielle est riche en bisaboloxydes, en bisabolol et en chamazulène. Anti-inflammatoire et antihistaminique, elle est connue pour freiner les démangeaisons. Ses propriétés s’en retrouvent grandement bonifiées quand elle est conservée au frais ! Cela vaut d’ailleurs pour tous les hydrolats.
Après ouverture, il est préférable de les stocker au réfrigérateur. Certains contiennent des conservateurs, mieux vaut dès lors les réserver à la voie cutanée. J’espère que ce dossier vous aidera à y voir un peu plus clair sur ce vaste sujet. J’espère aussi qu’à sa lecture vous ne commettrez pas l’erreur que font de très nombreux patients qui utilisent les plantes en automédication, faisant courir des risques certains à de jeunes enfants. Si vous souhaitez profiter en famille des nombreux bienfaits des plantes, il est donc nécessaire de vous tourner vers des professionnels formés capables de prescrire ou de conseiller la phytothérapie et l’aromathérapie avec le maximum de sécurité.