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Éveiller notre conscience ou être éveillé par elle ?

Publié le 23 mars 2021

Éveiller notre conscience, ne peut être un acte volontariste, une décision que nous pouvons prendre un matin…

Sur mon long parcours de vie, je n’ai jamais pu répondre de façon satisfaisante à cette question. Alors j’ai décidé de l’intégrer, comme une double alternative possible, dans la caverne déjà bien remplie de mes découvertes, de l’enregistrer dans les carnets soigneusement tenus à jour de ma sensibilité, de l’intégrer comme deux possibles dans l’immensité (oui, oui comme chacun de vous lecteur), de mes ressources.

Éveiller notre conscience, ne peut être un acte volontariste, une décision que nous pouvons prendre un matin, en serrant les mâchoires, en tapant du poing sur la table du petit déjeuner tout en s’appuyant sur la bonne volonté farouche qui est présente en nous, ce jour-là.

C’est en sanatorium entre 10 et 15 ans que ma conscience s’est éveillée à partir des stimulations de mon imaginaire. Je suis resté allongé, dans un plâtre des chevilles au cou, durant cinq ans et je ne connais pas de meilleur moyen pour titiller, dynamiser et faire imploser l’imaginaire qui parcourt au grand galop les territoires fabuleux de quelque chose qui est plus que la pensée, une arborescence d’images, une constellation de mots, un torrent de situations et de rêves éveillés desquels vont émerger parfois une lucidité incisive, une compréhension aiguë, spontanée une conscience plus ouverte. Par la suite éveiller ma conscience a été lié à ma capacité de me sentir capable de modéliser ma pensée en trois dimensions : monter (s’élever), descendre (approfondir) et s’ouvrir s’expanser (c’est-à-dire se dilater). Tout ceci pour aller voir au-delà des apparences, pour dépasser des certitudes et des croyances acquises depuis longtemps. L’éveil de notre conscience sera lié, je crois, à notre capacité de donner du sens aux événements de notre vie, de sentir au-delà des conséquences, la profondeur et la consistance de nos actes ou de nos conduites qui jusqu’alors paraissaient évidentes. Avec parfois un résultat qui peut se révéler douloureux de remettre en cause des engagements qui ne posaient aucun problème, qui étaient sans questionnement et qui vont se révéler chargés d’un sens nouveau, salvateur,dynamisant.

Trois démarches ont été centrales pour moi dans la façon dont j’ai pu être éveillé par ma conscience. Comme lorsque j’ai senti durant l’été de mes 20 ans, que je devais changer de métier, que je devais démissionner de mon poste d’expert-comptable stagiaire pour m’engager dans l’éducation spécialisée et par la suite dans des études de psychologie, en fait dans la découverte d’un univers immense qui m’a englouti à jamais: les relations humaines. Prise de conscience comme l’équivalent d’un déclencheur, qui me disait impérativement que je n’étais pas à ma place, qui m’incitait à changer, pour m’engager dans un choix de vie qui allait bouleverser toute mon existence. Une démarche propice à rendre ma conscience plus consciente, c’est-à-dire à être moins dominé (peut-être) par l’inconscient, fut la tranche d’analyse freudienne que j’ai entrepris à 29 ans. Je m’en souviens, comme d’une période d’éveil, de sensibilité lumineuse où les événements de ma vie présente donnaient du sens à certains événements de ma vie passé ou l’inverse.

Avec l’impression d’une grande clarté en moi, qui délogeait les ombres de mon enfance. Et puis, ce fut au cours d’un séjour aux Indes dans un ashram à Poona, la découverte du rebirth et la conscience aiguë du bébé, si douloureusement présent en moi à 35 ans, du tout petit bébé que j’avais été, violemment tiraillé entre le désir de rester dans le ventre et une aspiration violente à sortir.

Un déchirement que j’ai retrouvé, tout aussi violent, à plusieurs reprises dans ma vie d’adulte. Aujourd’hui je crois surtout que l’éveil de notre conscience va être liée à des signes, à des rencontres, je devrais dire à des synchronicités, qui vont relier subtilement différents faits ou évènements ensemble, et nous permettre de changer de regard, d’accéder à une compréhension nouvelle, de donner un sens à une situation vécue, à un comportement récurrent, à un engagement pris ou à une décision à prendre. Je crois qu’être éveillé par notre conscience relève de l’ordre de la révélation et que toute prise de conscience est l’équivalent d’une création. Alors entre révélation et création, nous naviguons ainsi, portés par le voilier magique de notre conscience sur un océan infini qui englobe le ciel et la terre et cela toute la durée de notre existence.